Aujourd’hui by Dominique Fabre

Aujourd’hui by Dominique Fabre

Auteur:Dominique Fabre [Fabre, Dominique]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782213719788
Google: _KIREAAAQBAJ
Éditeur: Fayard
Publié: 2020-12-04T10:07:58+00:00


La chance, ma mère disait, il faut savoir la saisir quand elle passe ! Il faut se battre, car à la fin ça paie ! Ma sœur et moi, on écoutait les yeux en bas, à Bécon-les-Bruyères, côté Asnières, quand elle piquait ses crises. Elle y croyait dur comme fer. Seule contre tous, ce n’était pas trop exaltant pour moi. Elle récitait aussi Cyrano de Bergerac, ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul ! Ça lui échauffait les oreilles. Quelque chose s’était obscurci entre Fabrice et Olivia quand elle lui avait montré le test de grossesse. Il l’avait serrée dans ses bras. Il se rappelait comme son cœur battait fort. Oui, il avait gardé comme une empreinte du corps de sa dernière compagne stable, ce corps minuscule qui aurait pu engendrer un enfant. J’ai dû faire des yeux ronds. Il a jeté son mégot vers la grille de la petite ceinture en contrebas. Ici, la pente est assez rude, mais ils trouvent le moyen de tondre l’herbe sur les deux pentes. Ce qui n’est pas le cas ailleurs, sur la PC au nord, ou à l’est. Il avait presque terminé.

– Voilà, si tu voulais savoir maintenant, tu sais.

– Arrête avec ça, s’il te plaît.

Il n’a pas eu l’air de m’entendre.

Il ne savait pas pourquoi il avait encore déconné avec elle, il n’avait pas trouvé les mots pour l’apaiser, les mots pour la garder. Il avait pourtant passé l’âge d’aller voir un psy. Cela m’a fait sourire, cette histoire de psy. Jeune homme, il y avait laissé pas mal d’argent. Il n’avait pas eu la réponse. Il avait trouvé une autre psy pas loin, à Asnières. Elle était pas mal foutue ; elle le laissait parler quand il venait la voir. Olivia restait seule à Trouville en attendant de reprendre son travail. Elle lui avait redemandé son trousseau de clés. Il avait déconné encore plus de se sentir éloigné de sa vie, interdit d’elle, enfermé à l’extérieur. Sa voix était redevenue tellement froide, j’ai trouvé. Froide et basse. Voilà, il n’avait pas souvent raconté cela. Tu pourras en faire bon usage, si tu veux, il m’a dit quand il en a eu terminé. Arrête un peu avec ça, s’il te plaît. Comme tu veux. Il avait l’air d’y tenir, après tout.

Il avait souvent vu ses parents se disputer. Leurs engueulades étaient à peine imaginables dans cet appartement près de Wagram, une rue tranquille des beaux quartiers. Il avait voulu fuir cela. Sa sœur et lui restaient ensemble, en se demandant quand ils allaient leur annoncer leur séparation. Ils l’espéraient. Ils ne s’étaient jamais quittés pourtant. Fabrice restait avec sa sœur à fumer des cigarettes, à jouer aux dames, à écouter fort de la musique, à regarder la télé. Ils se serraient l’un contre l’autre, il lui disait de ne pas pleurer, de ne pas. Une fois, ses parents avaient décidé de « crever l’abcès ». Sa sœur et lui se trouvaient dans l’appartement à Wagram. Ils avaient parlé une nuit entière.



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